Dans le contexte du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité, le Québec s’est engagé, comme le Canada et 195 autres pays, à protéger 30 % des terres et des océans de la planète d’ici 2030. En juin 2024, le gouvernement de la CAQ a lancé un appel au public afin d’identifier des aires à protéger. En Outaouais, des enjeux importants ont été identifiés que ce soit en lien avec les claims miniers sur le territoire ou en lien avec les revendications des communautés autochtones qui sont pourtant bien documentées et loin d’être nouvelles.
Or, il semble que cet appel ne garantit pas que le processus d’identification des aires protégées se fera de façon transparente et respectueuse de la volonté des citoyen·nes de la région ou du Québec.
Le Devoir, ou plutôt Alexandre Shields du Devoir a appris que suite à cet appel, le gouvernement a reçu 320 projets d’aires protégées. Ces projets, soumis par des citoyen·nes et des organismes, ont reçu l’appui des MRC concernées. Au total, 535 projets avaient initialement été jugés recevables par le ministère de l’Environnement, mais 91 d’entre eux n’ont pas pu être déposés en raison du refus des MRC dont 29 dans la région de la Mauricie (Shields, 2024-12-09) et 20 en Haute-Gaspésie. Shields écrivait que parmi ces projets non-retenus en Gaspésie, « on retrouvait notamment une aire protégée qui aurait permis de préserver des habitats propices au caribou de la Gaspésie, qui est au seuil de l’extinction. Un autre projet concernait la rivière Madeleine, une rivière à saumon frappée par le déclin marqué des montaisons. » (Shields, 2024-11-29)
On peut donc conclure que le projet de créer des aires protégées dans le sud de la province ne se fera pas sans heurts. En fait, non seulement, les MRC doivent donner leur approbation avant même de permettre aux citoyen·nes de soumettre leurs propositions au gouvernement, mais le processus d’approbation autant au niveau des MRC que de celui du gouvernement du Québec demeure relativement opaque.
Plus encore, des militant·es expriment leurs préoccupations dans un contexte où les claims miniers n’ont pas pour autant cessé et où le cadre législatif québécois prévoit que ces derniers auront préséances et viendront rendre nulles et non avenues plusieurs propositions d’aires protégées (Shields, 2024-12-05).
Par ailleurs, il n’est pas évident que le statut d’aire protégée représente une protection aussi robuste que l’espèrent plusieurs citoyen·nes. La Loi sur la conservation du patrimoine naturel précise qu’une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ». On flirte donc avec une définition qui pourrait être conciliable avec une définition plus ou moins mercantile du développement durable.
Enfin – et ce me semble relativement important – plusieurs écologistes soulignent que ce n’est pas 30 % du territoire qui devrait être protégé, mais 100 %. En effet, qu’en est-il du 70 % qui reste ? Est-ce à dire que, hors des aires protégées, la préservation sera totalement évacuée comme préoccupation ? Quels mécanismes existera-t-il pour assurer la protection de cette portion du territoire ?
En somme, la vigilance est de mise et, comme disait le poète, « on est loin de la soupe aux lièvres » lorsqu’il est question de la protection de la biodiversité.